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« L’extrême diversité linguistique de l’Afrique a pu persister »

Le Point Afrique.

ENTRETIEN. L’historien Jean Sellier a remonté le fil de l’histoire de la pluralité linguistique de l’Afrique dans son dernier ouvrage. Il explique.

Propos recueillis par Marlène Panara

Haoussa, peul, wolof, swahili, xhosa, akan ou encore lingala… La mosaïque linguistique de l’Afrique est immense et va bien au-delà des langues dites « nationales » édictées en référence de par le statut qu’on leur assigne. Ses lignes bougent sans arrêt. Les langues véhiculaires côtoient les parlers plus confidentiels en même temps que la langue de l’ancien colonisateur. Avec l’urbanisation rapide des pays du continent où affluent des populations venues de divers horizons, le multilinguisme prospère. Et modifie constamment les mots, les grammaires et les syntaxes de langues pourtant millénaires. Pour s’y retrouver dans cet espace sans cesse en mouvement, l’historien Jean Sellier publie Une histoire des langues et des peuples qui les parlent, aux éditions La Découverte. L’ouvrage est titanesque mais conçu comme un guide où chacun peut partir à la découverte des langues qu’il apprécie. Connaît-on vraiment les langues africaines ? Existe-t-il une hiérarchie des langues ? Est-ce que certaines disparaissent ? Jean Sellier a accepté de répondre au Point Afrique.

Le Point Afrique : Concernant la répartition des langues sur son sol, en quoi l’Afrique diffère-t-elle des autres régions du monde ? En Espagne on parle espagnol, le peul s’étend lui du Sénégal au Cameroun par exemple…

Jean Sellier : La répartition telle qu’on la connaît aujourd’hui est assez récente aux yeux de l’histoire. Pour bien comprendre cette situation, il faut remonter en arrière. L’Amérique était recluse jusqu’aux conquêtes espagnoles et portugaises. Cette conquête européenne a passé au rouleau compresseur la diversité linguistique extraordinaire de ce continent au profit des langues espagnole, portugaise, anglaise et française. En Afrique, les Européens sont arrivés beaucoup plus tard. Ils n’ont pénétré à l’intérieur du continent qu’au XIXe siècle. Le sud du Sahara, lui, est resté à l’écart de grands mouvements migratoires. L’extrême diversité linguistique a donc pu persister. Dans la partie nord du continent, l’histoire est tout autre. Des populations d’origine non africaine y ont migré très tôt : les Phéniciens (fondateurs de Carthage), les Romains et, surtout, à partir du VIIe siècle, les Arabes, dont la langue est devenue hégémonique. Tout cela a modifié complètement le paysage linguistique de la zone.

Les langues africaines sont-elles de tradition « orale » comme le véhicule l’imaginaire populaire ?

Toutes les langues sont d’abord parlées et il est vrai que de nombreuses langues africaines sont aujourd’hui encore purement orales, pour des raisons historiques. L’écriture, inventée au Proche-Orient vers l’an 3000 avant J.-C., s’est diffusée dès l’Antiquité vers l’est et l’ouest, y compris en Afrique du Nord, mais pas dans l’Afrique du sud du Sahara, le désert constituant une barrière. C’est après la conquête du nord de l’Afrique par les Arabes que l’islam s’est propagé en Afrique de l’Ouest et, avec lui, l’alphabet arabe. Plusieurs langues africaines ont alors été mises par écrit, dont le songhaï, le peul et d’autres, comme en témoignent les manuscrits de Tombouctou. En Afrique de l’Est, les navigateurs arabes ont propagé l’islam et l’écriture par voie maritime. Le swahili, principale langue bantoue, s’est écrit en caractères arabes dès le XVIe siècle.

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